"Tu as encore acheté un sac ?" — Quand les proches réagissent à notre addiction au shopping
Pendant longtemps, j’ai fonctionné avec un compte bancaire séparé. C’était mon argent, mes achats, mon problème. J’alimentais le compte commun sans difficulté, et tant que j’assurais ma part, personne ne venait regarder de trop près comment je dépensais le reste. Enfin, presque personne.
Les fois où tout bascule
Il y a bien eu ces quelques moments critiques. Les fameuses grosses échéances annuelles : les vacances, certaines taxes, la rentrée. Et là, je faisais appel à mon joker. Ma cousine. Elle m’a toujours soutenue dans tous les domaines, et elle a accepté de me prêter de l’argent ponctuellement, sans poser trop de questions. Aujourd’hui, avec un peu de recul, je crois qu’elle savait. Elle savait que j’avais un problème avec le shopping, même si elle ne me l’a jamais dit.
Ce que les proches voient... ou préfèrent ne pas voir
Ce que j’ai appris de tout ça, c’est que l’entourage réagit de manière très différente face à un comportement de consommation qu’on pourrait qualifier de “suspect”. Il y a ceux dans le déni poli — “Oh, tu as un nouveau sac ?” — ceux qui lancent un regard mi-moqueur mi-réprobateur — “Tu as ENCORE un nouveau sac ?” — et puis ceux qui n’y vont pas par quatre chemins : “Tu as acheté ça ? Mais tu ne devais pas plutôt payer l’électricité ?”
Finalement, la réaction de l’entourage dépend de deux choses :
La capacité de la personne concernée (moi, en l’occurrence) à dissimuler son comportement.
L’impact financier réel que cela a sur le quotidien.
Tant que "ça passe", ça passe
Dans mon cas, comme j’arrivais plus ou moins à tenir mon rôle dans le fonctionnement familial, tout semblait aller bien. Je n’avais pas d’épargne, non, mais je “tenais la route”. Et c’est dans cette zone grise que mon addiction a pu durer aussi longtemps.
Mais si un jour tout bascule — carte bloquée, appel du banquier, découvert sur le compte commun — là, ça devient une autre histoire. Là, on ne peut plus faire semblant.
Et le couple, dans tout ça ?
On m’a posé la question récemment sur Instagram : “Mais ton conjoint, comment a-t-il vécu ça ?” Eh bien… je ne sais pas trop. Il sait que j’en parle aujourd’hui, que j’ai fait mon “coming out” de shopping addict, mais à l’époque, le sujet était tabou. Et il l’est resté.
Peut-être parce que je remplissais ma part du contrat. Peut-être parce qu’il savait que j’étais responsable, mais que j’avais “ce petit truc” à côté. Peut-être aussi parce qu’en France, on a encore cette croyance forte que l’argent qu’on gagne soi-même, on en fait ce qu’on veut.
Oui, mais à quel prix ?
Pourquoi ne pas avoir continué comme ça, finalement ? Du shopping toute l’année, des vêtements qui tournent, des nouveautés en permanence, et presque aucun reproche. Sauf celui qui résonnait plus fort que les autres : “Toi, t’es une fille matérialiste.”
Je ne suis pas allée au bout de cette logique-là parce qu’elle m’a rendue malade. Littéralement. Je vivais pour acheter. J’étais obsédée par les vêtements, les paniers, les colis qui arrivent. Je n’avais plus de marge, plus de souffle, plus de rêve. À 46 ans, ne pas avoir un centime de côté, c’est alarmant. Ne pas pouvoir réparer une machine à laver, envisager des vacances, ou faire face à un imprévu, malgré un salaire stable… ça m’a fait un choc.
Et puis il y a eu ce rêve, un peu oublié : économiser pour m’offrir une tiny house. Une vie plus simple. Plus libre.
Quand le joker disparaît
Le jour où ma cousine a dit “stop”, j’ai compris que les choses devaient changer. Pas parce qu’elle ne voulait plus m’aider, mais parce qu’elle aussi avait ses projets à mener. Et là, plus de roue de secours. Juste moi, face à moi-même. Plus de faux-semblants. Il fallait que je regarde les choses en face, que j’admette mon problème et que je commence à le régler. C’est ce que j’ai fait.